C’est un succès incontestable.

Au sortir du confinement, 8 salariés sur 10 souhaitent poursuivre le télétravail. Et pourtant, c’était peu dire que le travail à distance suscitait des doutes, voire quelques grincements de dents.

À commencer par les directions elles-mêmes. L’image d’Épinal du télétravailleur impossible à manager à distance et davantage rivé sur Netflix que sur ses reportings donnait des sueurs froides à certains managers. Mais, crise du Covid et confinement oblige, il a bien fallu s’adapter et le téletravail s’est imposé à tous -en tout cas, tous ceux qui le pouvaient.

Et tous ont constaté ses nombreux avantages. Les nouveaux télétravailleurs ont apprécié ce mode de travail, jusque là réservé à quelques cadres de grandes entreprises. Et les directions ont apprécié à sa juste valeur le fait de pouvoir continuer à fonctionner. Ce qui, dans le contexte, n’était pas négligeable.

Pour autant, un certain nombre de questions se posent quant au recours régulier au télétravail. Certains se demandent même si cela ne risque pas d’imprimer davantage de disparités entre les salariés.

Le télétravail : source de dissensions au sein de l’entreprise ?

Selon une récente enquête menée par la CFDT au sein du groupe PSA, et contre toute attente, 56% des salariés auraient exprimé leur rejet d’un recours massif au télétravail.

Contre toute attente car la perspective de gagner sa vie sans sortir de chez soi et sans passer 2 heures par jour dans les bouchons ou des transports en commun bondés fait rêver de plus en plus de français, en témoignent la multiplication des réseaux de vente pyramidale. En cause : l’impréparation de la direction. Et si le sujet a émergé dans le groupe PSA, il n’en concerne pas moins les autres entreprises, toutes tailles confondues.

En effet, le syndicat accuse la direction de vouloir « baisser les coûts », « diminuer les frais de structures », et réduire « l’empreinte bâtimentaire ». Autrement dit, l’instauration du télétravail à grande échelle serait pour certaines entreprises, une fois de plus, plus une opportunité de baisser leurs coûts que de faciliter la vie aux salariés. Et pour certains syndicats, c’est une occasion toute trouvée de raviver de vieux antagonismes.

Une situation qui risque de creuser un peu plus l’écart entre, d’une part, les entités où existe une importante culture syndicaliste comme dans l’énergie, les transports ou encore le secteur public, et d’autre part les startups, TPE, PME… c’est-à-dire l’immense majorité des entreprises françaises.

Car l’enjeu, pour certains représentants des salariés, est la négociation d’une « prime d’installation ».

Et dans certains cas, c’est plutôt justifié.

Quand le télétravail creuse les inégalités

En effet, malgré son succès incontestable, le télétravail a généré aussi de nombreuses critiques à commencer, pour certains, par la crainte d’une perte de lien social et d’un isolement des travailleurs.

Par ailleurs, contrairement à l’image d’Épinal du travailleur à domicile en pyjama et à moitié concentré sur ses tâches, les salariés en télétravail auraient tendance à en faire beaucoup trop… par peur qu’on les accuse de ne pas en faire assez. Les télétravailleurs se retrouveraient ainsi tiraillés entre leurs obligations familiales et la crainte de sembler improductif, ce qui génèrerait du stress.

Outre les aspects RPS, il existerait également un sujet sur les équipements informatiques, inégaux d’un foyer à l’autre. En effet, tous les salariés ne disposent pas forcément d’un ordinateur capable de se connecter à certaines applications d’entreprises, parfois exigeantes en termes de performances.

Mais pour justifiées que soient ces critiques, il convient néanmoins de s’interroger : le télétravail a-t-il vocation à régler des inégalités déjà existantes ?

Et instaurer un jour de télétravail par semaine risque-t-il de générer plus d’anxiété que de confort pour les salariés ?

Le télétravail a-t-il vocation à régler les inégalités ?

Car c’est un fait : le monde du travail est déjà à deux vitesses. Certes, il ne s’agit en aucun cas de creuser sciemment davantage les inégalités mais les différences de culture d’entreprise et de conditions salariales existent déjà : 13ème mois, restaurant d’entreprise, CE prodigue, RTT…

Avec un ratio de 8 pro-télétravail sur 10 salariés, il est difficile d’affirmer que ce mode de travail ne représente pas un progrès pour les salariés. Dès lors, le sujet n’est pas tant l’adoption du télétravail mais plutôt le rejet de celui-ci par certaines entreprises, trop frileuses ou pas assez avancées dans leur transformation numérique.

Un jour par semaine

Les critiques concernant l’isolement des travailleurs et la perte de lien social ont souvent porté… sur le téletravail pendant le confinement. Or, le télétravail d’alors souffrait effectivement d’un certain nombre de défauts :

  • Il a été mis en place la plupart du temps dans la précipitation, et sans concertation
  • Il a été expérimenté pour la première fois pour la plupart des salariés en même temps que le confinement,
  • Il a été instauré 5/5j.

Or, nous ne sommes plus au mois de mars et de nombreuses leçons ont été tirées, notamment par des DSI.

De plus, il s’agit la plupart du temps d’une journée de télétravail par semaine, et non de toute la semaine. Autant dire que les risques de sensation d’isolement et de perte de lien social sont relativement faibles, de même que la peur de donner l’impression de ne rien faire.

Des dispositions déjà prises par de nombreuses entreprises

C’est ainsi que, certes au forceps, le sujet du télétravail a avancé dans les entreprises depuis le confinement. Ces dernières ne doutent plus de son utilité et les salariés, eux, ont fait remonter leurs expériences, bonnes et mauvaises.

En définitive, une telle évolution dans les entreprises françaises, habituées à la culture du présentiel, avait peut-être besoin d’une crise pour avancer, tant elle générait de suspicions et de craintes. Car ce débat n’en est plus un depuis longtemps aux États-Unis, où certaines entreprises sont déjà en 100% « remote » (travail à distance).

Aujourd’hui, les salariés savent comment ils veulent télétravailler et les entreprises ont avancé dans leur maîtrise des outils nécessaires au télétravail. D’ailleurs, certaines n’ont pas hésité à acheter des ordinateurs portables à leurs salariés.

En conclusion, un télétravail qui ne divise pas davantage mais au contraire, représente un progrès salarial n’est plus un impensé. Plébiscité par une écrasante majorité de salariés, sa mise en place bénéficie maintenant du retour d’expériences du confinement et, côté direction, on a avancé sur les dispositions à prendre afin de faire adopter ce mode de travail par le plus grand nombre.

Nul doute qu’au fur et à mesure, le temps aidant, les bonnes pratiques se répandront, permettant à un nombre croissant de salariés d’expérimenter une nouvelle façon de travailler.