De plus en plus technique et procédurier.
C’est le constat que font les spécialistes du crédit professionnel, et avec eux, les dirigeants de TPE, PME, professions libérales, artisans et commerçants ayant recours à des emprunts bancaires.
Et les occasions de solliciter un crédit professionnel sont nombreuses : création d’entreprise, reprise, développement, travaux, acquisition de matériel… Or, le surplus de démarches administratives conjugué aux nouvelles orientations commerciales réduisent les chances pour les requérants d’obtenir ledit prêt. C’est ainsi qu’émerge le métier de l’intermédiation bancaire, bien plus développé en Europe du nord par exemple -30% des prêts professionnels- et au Canada -50% des prêts professionnels- (source). Des courtiers, rompus à l’exercice du montage de dossier, se proposent d’obtenir les meilleures solutions de financement pour des dirigeants parfois un peu déboussolés.
C’est le cas de Valérie Dayon et Isabelle Pinon, qui ont animé un atelier le 14 juin dernier au Centre Amadeus ayant pour sujet « Comment obtenir un crédit professionnel ».
Nous avons profité de leur présence pour leur poser quelques questions sur leur métier et les évolutions du financement professionnel.
Comment arrive-t-on au métier de courtage en crédit professionnel ?
Anciennes collaboratrices dans la même agence bancaire, elles se sont associées depuis janvier 2017 et font désormais partie du réseau Access Crédit Propour plusieurs raisons qu’elles ont bien voulu nous expliquer.
Nous permettant au passage de comprendre un peu mieux l’évolution des rapports entre les banques et les professionnels.
Isabelle Pinon : « nous n’étions pas complètement satisfaites de l’évolution de notre métier dans la banque, et le fait de côtoyer des chefs d’entreprise au quotidien, cela nous a donné envie d’entreprendre. Nous étions à un carrefour, personnel et professionnel. Or, que savions-nous faire ? Nous avions une expertise dans le crédit professionnel. Nous avons donc décidé d’aider les dirigeants à obtenir des crédits. »
Pourquoi les dirigeants, professions libérales, commerçants et artisans auraient besoin d’un courtier en crédit professionnel ?
Valérie Dayon : « Nous nous sommes intéressées au métier de courtier parce que nous avons estimé qu’il existait un sujet, et un réel besoin des dirigeants de se faire accompagner dans l’obtention de leur crédit.
Certes, les banques prêtent de l’argent aux dirigeants pour qu’ils puissent développer leur activité, créer une entreprise… Mais l’évolution des règlementations en matière de crédit, l’obligation de répondre à un formalisme exigeant, font que les dossiers nécessitent un accompagnement, et certains plus que d’autres.
L’autre cas de figure dans lequel nous intervenons est celui dans lequel le dirigeant, occupé par son quotidien de dirigeant, n’a pas le temps de s’en occuper. Celui-ci a alors besoin de déléguer cette mission, et s’appuyer sur des experts, comme nous, pour constituer son dossier, le présenter à des banques et obtenir son crédit.
Notre volonté est d’être au plus près des dirigeants, de les accompagner et de les aider efficacement dans leurs recherches de financement, grâce à notre connaissance approfondie de leurs besoins et des attentes de établissements financiers».
Évolution de la banque et surcroît de tâches administratives au détriment du conseil
La multiplicité des crises immobilières, financières, bancaires et économiques ont contraint le monde bancaire à plus de vigilance et de contrôle en matière d’octroi de crédit. Dans ce contexte, l’activité de crédit perd de sa rentabilité surtout sur certains créneaux, et spécifiquement les plus risquées telles que les professionnels et entreprises.
Ce qui explique une réorganisation en interne et une concentration de la part de la banque sur d’autres services plus rentables et rémunérateurs (téléphonie, CB, alarme de télésurveillance…), au risque qu’elles s’écartent de leur cœur de métier.
Isabelle Pinon : « En effet, nos missions dans la banque devenaient trop généralistes, et la part d’administratif devenait trop importante à nos yeux.
Notre métier a muté : la réglementation bancaire a évolué et s’est rigidifiée. Nous devions absolument tout connaître de notre client. Lorsque nous avons commencé ce métier, nous accordions une part raisonnable de notre temps aux tâches administratives, et pleinement à conseiller nos clients. La tendance s’est inversée. »
Valérie Dayon : « Aujourd’hui, notre métier comprend davantage de rédactionnel et d’analyse, ce qui nous a toujours plu dans notre métier. Nous avions toutes les deux une expertise sur le crédit professionnel, plus que sur l’épargne, et savions comment constituer, analyser et appréhender nos dossiers. »
Entrepreneuriat et équilibre entre vie professionnelle et vie familiale
Isabelle Pinon : « Parallèlement, nous n’étions pas satisfaites de l’équilibre entre notre travail et notre vie de famille, largement en défaveur de nos familles. Être à notre compte nous permet d’organiser notre agenda. »
Valérie Dayon : « Nous avons une grande capacité de travail, mais nous devons également piloter nos vies familiales. En changeant de vie, nous avons amélioré les deux. Désormais, nous sommes concentrées sur le crédit et le conseil client, en plus d’être présentes pour nos familles.
Pour couronner le tout, nous avons une relation réellement privilégiée avec les dirigeants : ils savent que nous sommes un allié dans leur projet.
Aujourd’hui, ils nous le confient, il existe un véritable désamour entre eux et les banquiers. C’est précisément là que nous pouvons leur apporter une sérénité car nous connaissons parfaitement le formalisme et les contraintes des banques. »
Isabelle Pinon : « Le fait d’être deux permet aussi de se répartir le travail, et nous pouvons mettre à profit notre complémentarité. Nous travaillons ensemble de façon sereine. Ce qui, au vu de nombreux cas d’associations, est rare ! »
Qui sont les conseillers d’Access Crédit Pro ?
Valérie Dayon : « Nous sommes environ 40 conseillers répartis sur la France Métropolitaine et les DROM-COM (ex DOM-TOM). Les profils ? Une grande proportion de conseillers provient du milieu bancaire. D’autres connaissent bien la vie entrepreneuriale, ont eux-mêmes été dirigeants d’entreprise, transactionnaires.
Les personnes provenant du milieu bancaire ne se retrouvaient plus dans l’évolution des métiers de la banque, comme nous, et ils ont voulu se lancer dans l’aventure entrepreneuriale en répondant à une demande et une attente. »
Isabelle Pinon : « Ce réseau existe depuis environ dix ans et crée de l’intérêt. Il y a un vrai sujet sur l’accompagnement des entreprises dans la recherche de financement. Pour toutes ces raisons, nous pensons que le courtage en crédit professionnel est un métier d’avenir. Les courtiers en crédit professionnel sont rares car ce métier nécessite une certaine technicité. Nous pensons que ce métier a toutes les chances de se développer. »
Crédit bancaire, crowdfunding, crowdlunding, leasing, affacturage…
Isabelle Pinon : « Dans la grande majorité des cas, nous sommes sollicitées pour un crédit bancaire classique pour le financement de fonds de commerce, rachat de parts sociales, immobilier d’entreprise, développement, etc…. »
Valérie Dayon : « En plus du prêt bancaire, il existe les plateformes participatives, telles que le crowdlending, le crédit-bail, des solutions de location longue durée de véhicules, des dispositifs d’affacturage…
Le crowdfunding consiste pour des investisseurs (principalement des particuliers) d’investir une somme d’argent sous forme de don.
Le crowdlending, lui, propose d’investir directement de l’argent dans des entreprises sous forme de dette, et la communauté d’investisseurs perçoit un remboursement mensuel avec les intérêts. En ce qui concerne le leasing, la location longue durée du véhicule et l’affacturage nous disposons de partenariats sérieux et efficaces, nous leur soumettons les demandes de nos clients et dans un délai très raisonnable nous apportons la solution à nos clients. »
Comment se rémunère un courtier en crédit professionnel ?
Isabelle Pinon : « Nous facturons une commission minimum fixe sur chacun de nos dossiers, et nous appliquons un pourcentage en fonction du montant, de la complexité du dossier–temps passé, rendez-vous, sachant que nous sommes rémunérées au succès. »
Et l’innovation dans tout ça ?
Valérie Dayon : « C’est compliqué ! Notamment avec le banquier. Toutes les banques affirment financer l’innovation, mais c’est essentiellement de la communication.
En effet, ils sont extrêmement sélectifs sur les candidats. Ils demandent souvent aux candidats de passer par un incubateur, d’afficher un certain chiffre d’affaires, avoir été lauréat d’un concours ou d’une bourse… Financer l’innovation est une gageure en raison des exigences des établissements financeurs.
Un dirigeant d’entreprise qui souhaite se lancer dans un projet innovant doit souvent investir lui-même des fonds. Malheureusement, nous rencontrons souvent des innovants avec peu de capital. »
Leasing, augmentation de productivité, et financement TTC
Valérie Dayon : « Dans les leviers de financement que nous mettons à disposition de nos clients, il existe le leasing, généralement indiqué dans l’acquisition de nouveau matériel, de machines.
Actuellement, je travaille avec un dirigeant qui fabrique des tubes d’irrigation de jardin et pour des exploitations agricoles. Il dispose déjà de machines pour les produire, mais il veut aller plus loin et améliorer sa rentabilité, notamment en créant une unité de recyclage, plutôt que d’acheter sa matière première, très onéreuse.
Pour acheter ces machines, le leasing était tout à fait indiqué. »
Isabelle Pinon : « Le leasing peut servir à acheter un véhicule, des machines, un four pour un restaurant, … L’option d’achat est déterminée à la mise en place du contrat, qui comprend un loyer versé, chaque mois. À l’issue de ce contrat de location, de 36, 48, ou 60 mois, le dirigeant pourra faire l’acquisition du matériel ou du véhicule à hauteur d’un certain pourcentage, généralement autour d’1%.
Le loyer sera plus ou moins important en fonction du prix d’achat et du 1er loyer majoré. L’avantage du leasing réside dans le fait que le dirigeant ne devra pas faire l’avance de TVA, le leasing étant financé TTC, contrairement à un prêt bancaire classique qui porte sur le prix hors taxe. Or, à partir d’un certain montant, l’avance de la TVA représente un budget conséquent. Le leasing permet d’éviter de financer la différence entre le hors taxe et le TTC. »
Choix des leviers de financement selon le projet
Valérie Dayon : « Tout dépend du projet. »
Isabelle Pinon : « Nous écoutons le dirigeant. Lorsque nous avons pris connaissance du projet, nous lui indiquons les possibilités.
Le courtage en crédit professionnel, ou le « conseil financier augmenté »
Valérie Dayon : « Nous sommes là pour accompagner le dirigeant dans la constitution de sa demande de financement et pour cela, nous nous appuyons de leviers éprouvés, fiables, et c’est sur ceux-là que nous nous appuyons pour obtenir des financements à nos clients :
- Un fonds de commerce et des parts sociales, par exemple, se financent sur 7 ans avec un crédit amortissable classique,
- Le matériel peut être financé via du leasing,
- Un véhicule via du leasing, du LOA (Location avec Option d’Achat), ou de la location longue durée,
- L’achat de locaux professionnels : un crédit-bail ou un crédit classique,
- …
Isabelle Pinon : « Nous sommes des facilitatrices et nous pouvons proposer davantage qu’un banquier, car nous sommes capables d’actionner davantage de leviers comme pour l’achat d’un stock, par exemple ».
Le financement par les business angels et société de capital venture
Isabelle Pinon : « Pour l’instant, nous n’avons pas de demande spécifique pour ce type de financement. Néanmoins, nous avons les ressources en interne, et si un dirigeant souhaite faire appel à ce type de financement, nous serons en mesure de l’accompagner. »
Valérie Dayon : « Par ailleurs, c’est un mode de financement particulier : dans ce type de dispositif, les investisseurs prennent des parts au capital et interviennent dans les prises de décisions du dirigeant, puisqu’ils sont sensés lui apporter également un accompagnement, une aide à la décision. »
Faut-il être riche pour entreprendre ?
Valérie Dayon : « Un projet professionnel nécessite de la réflexion, du travail. Un financeur remarquera qu’une personne a su mettre un capital de côté pour son projet, mais aussi qu’elle a étudié tous les aspects de celui-ci.
Donc oui, le capital est important, mais ce n’est pas suffisant. Cela ne suffit pas à convaincre un financeur. »
Isabelle Pinon : « Les établissement financeurs prétendent qu’ils ne financent pas un projet en fonction d’une garantie.
Dans les faits, ils prêtent des fonds à une personne qui dispose de l’apport minimum requis. L’apport doit donc être proportionnel au projet. »
Connaissance du tissu économique local et conseil financier
Valérie Dayon : « C’est un ingrédient important, car nous devons être capables d’expliquer aux établissements financeurs comment évolue l’entreprise dont nous portons le dossier, par exemple dans le cas d’une implantation sur le territoire. »
Isabelle Pinon : « Ce qui joue également en notre faveur, c’est la proximité que nous entretenons avec les établissements financeurs locaux. C’est très utile quand il faut présenter un dossier.
Ils nous connaissent et savent comment nous travaillons. C’est cette relation de confiance que nous avons tissée avec euxqui nous permet d’optimiser notre conseil. »
Le courtage en crédit professionnel deviendra-t-il indispensable ?
Valérie Dayon : « Le dirigeant aujourd’hui a besoin d’expertise. Il se trouve dans un environnement où la règlementation est toujours plus complexe. Il est très occupé par ses tâches quotidiennes, doit manager ses équipes, gérer les imprévus… Le dirigeant a donc de plus en plus besoin de s’appuyer sur des experts. »